William Lee est un écrivain new-yorkais toxicomane, marié à Joan, dont il accepte les trahisons et une forte dépendance à la drogue et notamment à une poudre particulière que l'homme utilise dans son travail d'exterminateur. Les insectes sont ses ennemis, mais pas seulement ; précisément, certains d’entre eux influencent sa vie. Un cafard géant l'avertit que sa femme est un agent secret d'une organisation mystérieuse et ennemie ;  William tue involontairement sa femme, puis est envoyé par un extraterrestre dans l'Interzone, une grande ville aux portes du désert ; il y entre en contact avec d'autres créatures, des hybrides insectes-machines à écrire, ainsi qu'avec des êtres humains aux mœurs légères et libertines ; les contours d'une conspiration se précisent, et le protagoniste comprend qu'il doit retrouver le mystérieux Dr Benway pour l'anéantir. William est au centre d'une réalité parallèle, onirique et absurde, presque inconciliable avec la nôtre.

Pour comprendre le film, il est nécessaire de connaître les pensées du réalisateur David Cronenberg et de l'écrivain William S. Burroughs, auteur du roman "Naked Lunch", source d'inspiration du cinéaste canadien. A la lecture de la biographie, plusieurs références autobiographiques émergent dans le récit. Le protagoniste, comme Burroughs – et le personnage de Tom Frost – est un écrivain. On en déduit que son essence en tant qu'artiste est liée au style de vie que préfèrent ces sujets ; l'altération artificielle de la perception est un outil de connexion avec d'autres réalités, d'autres mondes ; nous, spectateurs, ne pouvons pas les comprendre. Ils vivent sur un autre plan d'existence ; ils peuvent passer de celui-ci au nôtre, libres des limites des conventions et, en même temps, sans défense face aux pulsions destructrices. La corruption, la morbidité, la contamination sont des thèmes récurrents dans le cinéma de Cronenberg. Ici, il est représenté par la présence d'une créature mystérieuse aux traits extraterrestres, d'insectes géants, hybrides absurdes entre machine et matière organique ; représentation d’une sorte de métamorphose femme/homme ; de bouchers d'insectes. Même d’un point de vue émotionnel et sentimental, il y a une absence absolue de conventions et de limites. Les personnages pratiquent et admettent des promiscuités sexuelles de toutes sortes ; l'homosexualité n'est pas un tabou, et en fait, elle semble encouragée. Pendant presque tout le récit, nous voyons les événements avec le regard « ébloui » du protagoniste ; certains cadres nous rappellent notre réalité. Cependant, au fur et à mesure que l'histoire avance, le détachement de notre logique et de notre perception augmente, jusqu'aux dernières lignes, qui montrent comment même une relation de cause à effet ne conduit pas à ce à quoi nous nous attendrions. Bonne performance pour Peter Weller ; son William, même dans ce qui, selon un certain degré de jugement, apparaît comme une folie, il est toujours lucide et cohérent ; l'interaction avec les créatures fantastiques ne le choque pas pour ce qu'il est, mais plutôt pour les révélations qu'elles lui font. Parmi les décors, nous avons apprécié la reconstruction de la ville Interzone, semblable à un lieu en Afrique du Nord. Les représentations des « abominations » avec lesquelles William converse sont d'un certain effet, notamment les croisements entre machine à écrire et insecte. La bande originale de Howard Shore est excellente.