A la frontière entre le Chili et la Cordillère argentine, en 1901, un riche et cupide propriétaire terrien (Alfredo Castro) engage un lieutenant de l'armée américaine au passé chargé, un sinistre mercenaire et un métis très doué pour le tir, afin de libérer ses territoires étrangers encore inexplorés de l'encombrante présence des populations indigènes, restées à l'écart de toute influence du progrès, mais aussi déterminées à défendre leur statut. Sous les yeux ébahis de Segundo, c'est le nom du métis à la bonne âme, la violence la plus horrible et la plus inhumaine est exercée au nom d'une conquête qui ne trouve pas de justification. Lors d'une confrontation avec un officier américain fou et sadique, le lieutenant, accompagné de Segundo et d'un indigène troqué pour remplacer le mercenaire exécuté par l'officier fou, tentera de retourner à la base pour rendre compte au propriétaire des terres. Après plus de sept ans, une expédition gouvernementale partira sur les traces de Segundo et de ce qui est aujourd'hui sa femme, restée isolée pour vivre de la pêche et de l'agriculture, afin d'obtenir des preuves cruciales d'une violence arbitraire et aveugle que l'État chilien entend enfin poursuivre.

Le premier effort de réalisation de Felipe Gálvez, également responsable du scénario auquel participe, avec le réalisateur et Antonia Girardi, le grand cinéaste Mariano Llinás, a été l'une des grandes surprises de la section 'Un Certain Regard" de Cannes 2023. Un film dur dénonçant la brutalité infligée aux indigènes Selk'nam qui a abouti à un véritable génocide. Merveilleusement situé dans les plaines infinies d'une Terre de Feu aussi sévère qu'éblouissante de beauté et de pureté, le film trace un chemin de mort que seul le regard indigné, impuissant et dégoûté du doux Segundo parvient à définir de manière complète et pertinente. En fin de compte, le film établit l'ambiguïté de la nouvelle nation naissante, qui au lieu (on le sait aujourd'hui) d'enquêter et de punir, ou en tout cas de vérifier le massacre des Indiens, fait des affaires et exploite le pouvoir de ces grandes familles qui, en le nom de leur argent et de leur exploitation, ont tué des milliers et des milliers d'indigènes. Le western fait également écho à la musique fantastique d'Harry Allouche qui donne de la force à ce début important et farfelu. C’est la force du genre américain qui permet de relire ou de cadrer des faits dramatiques et brutaux. Gálvez parvient à rendre palpable la brutalité qui anime l'homme et qui a fait de lui une fois de plus le protagoniste d'actions et de persécutions dignes d'une bête qui ne peut exister dans le reste du monde animal.