Great Kaiju Gaea-Tima (Daikai Gaea-Tima) ) est une série toujours en cours de parution au Japon et qui a connu sept tomes à ce jour aux éditions Kodansha. La ville portuaire de Sukuba fut endommagée par les énormes vagues provoquées par un monstre surgi de la mer. Ce monstre, qui cessa d'être actif, se dissout dans la mer et devient une riche source de nutriments pour les fruits de mer, enrichissant l'économie de la ville. Il fut alors appelé Gaea-Tima, le dieu de la fertilité. Une jeune fille nommée Miyako Morino, victime de la catastrophe, fabriqua des poupées Gaea-Tima pour commémorer l'événement, vendues comme souvenirs et devinrent populaires. Cependant, un monstre apparaît dans la ville restaurée de Sukubai pour la première fois depuis dix ans… Les monstres sont-ils ennemis ou alliés de l'humanité ?

Dans ce troisième volume, le récit ralentit momentanément pour explorer les conséquences émotionnelles et sociales de ces confrontations colossales, montrant comment la présence de monstres affecte non seulement les villes, mais aussi les personnes les plus vulnérables. L'intrigue de ce volume débute avec Miyako qui tente de comprendre d'inquiétantes visions oniriques que Gaea-tima lui transmet. Ces rêves fragmentés et énigmatiques renforcent l'impression que la relation entre l'humain et le monstre est plus profonde et plus ancienne qu'il n'y paraît. Cependant, le récit se concentre bientôt sur un garçon vivant dans les montagnes voisines, qui rencontre une créature unique en son genre : petite, apparemment docile et ayant besoin d'être protégée.  Influencé par le ressentiment de son père, un chef local animé d'une haine profonde envers Gaïa-tima, le garçon décide d'élever le monstre dans l'espoir qu'il grandisse et vainque le titan qui, à ses yeux, représente tous ses malheurs. Cette approche permet au manga d'explorer une idée forte : celle de nourrir et de projeter ses désirs humains sur une créature qui demeure fondamentalement sauvage. Le lien que l'enfant tisse avec le monstre naît de la solitude, de la souffrance et du besoin de se sentir fort dans un monde hostile. KENT construit cette relation avec une remarquable sensibilité, montrant comment l'illusion de contrôle peut obscurcir le jugement. À mesure que le monstre grandit et que la situation dégénère, le lecteur assiste à un affrontement inévitable entre l'innocence et la réalité, évitant les rebondissements gratuits et laissant une profonde émotion. Sur le plan thématique, le troisième tome explore l'ambiguïté morale des monstres. Sont-ils des armes, des protecteurs, des victimes, ou simplement des forces de la nature ? Le manga ne propose aucune réponse facile. Gaïa-tima est toujours perçu comme un sauveur par certains et une menace par d'autres, et ce volume souligne comment la peur et la haine collectives peuvent influencer le comportement même d'un être colossal. L'œuvre aborde également la question de la responsabilité humaine : nourrir du ressentiment, souhaiter la destruction d'autrui ou rechercher des solutions de facilité peut avoir des conséquences irréversibles. Le tout est traité sur un ton oscillant entre drame psychologique et terreur contenue, sans jamais perdre sa dimension tragique. Les illustrations constituent une fois de plus l'un des atouts majeurs de cet ouvrage. Les dessins en noir et blanc de KENT sont particulièrement saisissants dans les séquences mettant en scène le monstre souterrain, dont l'anatomie et les mouvements instaurent un malaise constant. Les combats, bien que spectaculaires, sont narrés avec clarté et une utilisation très intelligente de l'espace, soulignant l'immensité du kaiju face à la fragilité humaine. À l'inverse, les moments plus intimes s'appuient sur des gros plans et des silences qui intensifient l'impact émotionnel, témoignant d'une maîtrise remarquable du rythme visuel.